Une cartographie complète des projets des gouvernements locaux et régionaux dans l’UE et les pays partenaires
La coopération internationale décentralisée pour le développement est pratiquée depuis l'Antiquité, mais son concept est relativement récent, soit depuis les années 1980. Son objectif est d'impliquer différents niveaux de gouvernements infranationaux afin d'accroître l'efficacité de la coopération au développement en renforçant les institutions locales, en améliorant la conception de politiques locales durables et en garantissant la fourniture de services publics adéquats pour et avec les communautés locales et les parties prenantes. Les points forts prévus de cette approche comprennent la capacité d'introduire une conception ascendante et adaptée au contexte, ainsi que la mise en œuvre de projets de développement internationaux. Selon les estimations de l'OCDE (2019), la plupart des cibles des Objectifs de développement durable (ODD) requièrent l'engagement des gouvernements infranationaux dans ses pays membres. Bien que plusieurs administrations infranationales de l'OCDE génèrent un PIB suffisamment élevé pour se classer parmi les plus grandes économies du monde, on dispose encore de peu d'éléments sur la manière dont elles contribuent au développement durable : moins de la moitié seulement des membres du Comité d'aide au développement de l'OCDE ont fourni des données relatives au niveau infranational pertinentes. À cet égard, les faiblesses les plus courantes concernent le manque de coordination et de cohérence. C'est pourquoi les plateformes de partage du savoir-faire fondées sur les données et les rapports disponibles sont essentielles pour une conception efficace des politiques axées sur l'impact. Ceci est d'autant plus vital dans le contexte des défis de ces dernières années en Europe, dans son voisinage, ainsi que dans le monde, tels que la pandémie de COVID-19, la guerre en Ukraine et d'autres crises humanitaires à travers le monde. La coopération internationale décentralisée est donc involontairement liée à des développements politiques plus larges au niveau supranational, et tout récemment dans le contexte de l'Union européenne suite à l'adoption de son Instrument de voisinage, de développement et de coopération internationale - Europe dans le monde (2021-2027).
Éditeur : PLATFORMA
Auteurs : Jakub Csabay et Anton Marcinčin, Université Comenius de Bratislava
Directeur de la publication : Fabrizio Rossi, Secrétaire Général du Conseil des Communes et Régions d'Europe (CCRE)
Édition : Chahaiya Pilkington, Conseillère PLATFORMA - Politique et plaidoyer ; Boris Tonhauser, Conseiller exécutif PLATFORMA
Publication et liaison avec l'équipe de conception graphique : Hervé Devavry, Chargé de communication PLATFORMA
Traduction de l’anglais : Domenica Maria Pistoia
Conception graphique : Inextremis
Informations mises à jour en avril 2023
Il est clair que le suivi de la coopération décentralisée a acquis une importance cruciale – en vue d’améliorer l'efficacité des programmes d'assistance, d’accroître la transparence, de partager les leçons tirées de l'expérience et d’atteindre ainsi les objectifs de l'agenda du développement.
L'OCDE a commencé à publier ses documents d’orientation sur le développement en décembre 2015 et a lancé en 2017 le projet sur la coopération décentralisée au développement en partenariat avec la DG DEVCO de la Commission européenne. Avec PLATFORMA, ce sont les deux principales sources d'information et d'analyse sur le sujet.
En 2018, l'OCDE et la Commission européenne ont publié une étude conjointe intitulée « Remodeler la coopération décentralisée pour le développement : Le rôle clé des villes et des régions pour l'Agenda 2030. » Il a fallu 15 mois, une coopération avec plus de 100 parties prenantes, l'organisation de quatre enquêtes et la réalisation de plusieurs études de cas pour produire cette étude. L'étude conclut que « la coopération décentralisée pour le développement repose de plus en plus sur un modèle de réseau territorial axé sur la demande des régions et des villes homologues. » Ses principales conclusions sont les suivantes :
L'OCDE (2019) a confirmé que les gouvernements infranationaux étaient les mieux placés pour fournir une assistance à leurs pairs. Premièrement, la demande d'assistance au niveau infranational est énorme : le déficit de financement des municipalités dans la seule Afrique a été estimé à 25 milliards de dollars par an, mais seulement 1,9 milliard de dollars, soit 1,3 % du total de l'aide publique au développement (APD) bilatérale a été fourni pour soutenir les villes et les régions dans les pays en développement. Deuxièmement, les gouvernements infranationaux de l'OCDE étaient responsables de 40 % des dépenses publiques, de 57 % des investissements publics et de 55 % des dépenses publiques liées à l'environnement et au climat. Ils disposent des fonds et des compétences nécessaires pour fournir une aide efficace au développement. L'OCDE a souligné la nécessité d'une collecte systématique des données :
L'OCDE a continué à utiliser des données collectées par le biais d'enquêtes et d'études de cas et a constaté que :
Dans leur récente publication, Gupte et Aslam (2022) notent que le nombre de publications et de citations sur la coopération décentralisée et le gouvernement local en 2020 a presque triplé par rapport à la période 2009-2013. Pour pallier le manque de données, ils ont eu recours à une enquête, à des entretiens et à un atelier.
En 2023, l'OCDE a organisé une Table ronde sur Les villes et les régions pour les ODD. L'un des thèmes abordés était « l'élaboration de systèmes de suivi et d'évaluation pour mesurer l'impact de la coopération décentralisée au développement sur les résultats en matière de développement. » Cela pourrait servir de plateforme prometteuse pour progresser dans la collecte et l'évaluation de données (OCDE, 2023).
PLATFORMA a été créée en 2008 avec pour objectif la défense et la promotion de la coopération internationale décentralisée. Les collectivités territoriales ont eu accès aux financements de l'UE en 2007, ce qui leur a permis de conclure des partenariats avec leurs homologues et de financer des projets de développement en Asie, en Amérique latine, en Afrique subsaharienne, au Machrek et en Europe de l'Est (PLATFORMA, 2016).
En 2013, la Commission européenne a reconnu que « les politiques et les programmes de développement gérés de manière centralisée et du sommet vers la base ne peuvent résoudre à eux seuls les questions complexes liées au développement durable et à la lutte contre la pauvreté. » Bien que les autorités locales aient toutes les conditions requises et la responsabilité de promouvoir le développement durable et la réduction de la pauvreté, « la qualité de la gouvernance locale est essentiellement liée à la volonté politique des pouvoirs centraux de créer un cadre propice au niveau local, par le biais d'instruments juridiques et réglementaires. » Par conséquent, l'approche de l'UE devait être axée sur 1) les processus de décentralisation accompagnés d'un soutien financier aux autorités locales, 2) le développement des capacités des autorités locales, 3) l'urbanisation durable, et 4) l'implication des associations d'autorités locales dans la programmation de l'UE et la création de partenariats entre l'UE et les pays partenaires. L'UE souhaitait « soutenir et coordonner la coopération décentralisée et transfrontière entre les autorités locales d'Europe et des pays partenaires. » (UE, 2013). Deux ans plus tard, en 2015, PLATFORMA est devenue un partenaire stratégique de la Direction Générale de la Coopération Internationale et du Développement (DG DEVCO) de la Commission européenne.
La même année, les Nations unies ont adopté l'Agenda 2030 pour le développement durable et l'Accord de Paris, et en 2016 le Nouvel Agenda urbain. Avec le Nouveau Consensus européen pour le développement de 2017, ces textes ont constitué la toile de fond du document de travail de l'UE intitulé « Coopération de l'Union européenne (UE) avec les villes et les autorités locales dans des pays tiers. » Ce document décrit comment la coopération extérieure de l'UE soutient les quatre domaines suivants dans les pays tiers : la gouvernance urbaine, la dimension sociale du développement, les villes vertes et résilientes, ainsi que la prospérité et les innovations. Bien qu'il réaffirme l'importance de la coopération décentralisée dans la réalisation de ces programmes cruciaux et, par conséquent, que les gouvernements infranationaux doivent avoir un accès adéquat au financement des projets de développement, il ne fournit pas - ou ne fait pas référence à - une analyse qui permettrait d’évaluer les résultats de l'assistance apportée. Ce manque de preuves analytiques est reconnu par l'OCDE (2019).
En 2021, l'Instrument de voisinage, de développement et de coopération internationale - Europe dans le monde (NDICI - Europe dans le monde) a été créé dans le but de contribuer à la réalisation des ODD de l'Agenda 2030 et de l'Accord de Paris. L'allocation totale de 79,5 milliards d'euros pour la période 2021-2027 a été répartie entre quatre piliers : 1) Programmes géographiques (60,388 milliards d'euros) ; 2) Programmes thématiques (6,358 milliards d'euros) ; 3) Actions de réaction rapide et gestion des crises (3,182 milliards d'euros) ; et 4) Réserve non allouée (9,534 milliards d'euros). Dans son article 26 Méthodes de coopération, le Règlement NDICI-GE inclut les partenariats entre les autorités locales d’un État membre de l'UE et celles d’une région partenaire. Dans son article 11, le Règlement précise les méthodes permettant de « renforcer le rôle des gouvernements locaux en tant qu'acteurs du développement. » (Règlement UE 2021/947). Par conséquent, l'UE a renouvelé les accords de partenariat avec trois associations mondiales (CGLU, CLGF, AIMF), une association africaine (CGLU-Afrique) et une association européenne (CCRE-PLATFORMA) d'autorités locales, soulignant l'importance de la coopération décentralisée et la nécessité d'« améliorer les pratiques actuelles de la coopération décentralisée par l'efficacité et l'innovation. » (IISD, 2022). Avec un budget de 50 millions d'euros fournis par l'instrument NDICI – Europe dans le monde, les accords soutiennent le rôle des autorités locales et de leurs associations dans la formulation de politiques visant à promouvoir le développement durable aux niveaux local, régional et mondial.
Le rôle des autorités locales et régionales dans les efforts de développement international et dans la coopération internationale décentralisée a été reconnu dans un certain nombre de documents internationaux clés, notamment dans l'Agenda 2030 pour le développement durable et, dans le contexte de l'UE, dans l'Instrument de voisinage, de développement et de coopération internationale - Europe dans le monde (2021-2027).
En ce qui concerne l'Agenda 2030 pour le développement durable, même si le rôle des autorités locales et de la coopération internationale décentralisée n'est explicitement mentionné dans aucun des 17 Objectifs de développement durable, son importance est soulignée dans les articles 34, 45 et 52 du document, et est sous-entendue dans l'Objectif 11 Villes et communautés durables, l'Objectif 16 Paix, justice et institutions efficaces, et - ce qui revêt davantage d'importance, peut-être - dans l'Objectif 17 Partenariat pour la réalisation des objectifs (Nations Unies, 2015).
En revanche, l'Instrument de voisinage, de développement et de coopération internationale - Europe dans le monde (2021-2027) souligne le rôle des autorités territoriales et de la coopération décentralisée de manière beaucoup plus directe dans un certain nombre de domaines. Le règlement établissant le NDICI - Europe dans le monde mentionne l'implication des GLR en tant que partenaires importants dans la consultation et la programmation, ainsi que leur rôle dans le processus de mise en œuvre des politiques et leur contribution aux efforts par le biais de partenariats dans le vaste cadre thématique des défis mondiaux, en soulignant spécifiquement l'« Approche territoriale du développement local » (EUR-Lex, 2021 : 7, 55, 73). Par ailleurs, le document indicatif de planification du programme thématique Défis mondiaux pour la période 2021-2027 signale que « selon les estimations, 65 % des 169 cibles sous-jacentes aux 17 ODD ne seront pas atteintes sans l'engagement des gouvernements locaux et régionaux », ce qui renvoie à l'Agenda 2030 pour le développement durable (Commission européenne, 2022 : 18).
Ce qui est toutefois plus ambigu, c'est l'allocation de fonds à la coopération internationale décentralisée dans le cadre du NDICI - Europe dans le monde. Le document indicatif de planification du programme thématique Défis mondiaux pour la période 2021-2027 prévoit une allocation indicative de 304 millions d'euros au domaine prioritaire 4 Partenariats, où les autorités locales sont mentionnées comme l'une des trois principales composantes (Commission européenne, 2022 : 2). Au §36 du considérant, le NDICI indique que le soutien aux autorités locales dans le cadre des programmes géographiques devrait s'élever, à titre indicatif, à au moins 500 millions d'euros.
Cela montre que, même si le nouvel instrument de l'Union européenne accorde une plus grande reconnaissance au rôle de la coopération internationale décentralisée par rapport à l'Agenda 2030, on verra au cours de cette période de programmation si cela va s'accompagner d'une allocation de fonds adéquate. Pour mettre les choses en perspective, 165 millions d'euros ont été mobilisés pour soutenir 57 projets dans le cadre du programme « Partenariats pour des villes durables » à l’occasion de trois appels entre 2018 et 2021 dans la période de programmation précédente (Commission européenne, sans date).
L'analyse des ensembles de données existants a montré que les informations sur les activités de coopération décentralisée sont incomplètes et que leur évaluation ne fournit qu'un aperçu limité et fragmenté :
En 2018, dans le cadre de 21 projets, les municipalités belges ont été les plus actives. Le premier prix a été décerné au partenariat entre la ville de Roeselare (Belgique) et celle de Dogbo (Bénin). En 2020, 26 projets ont été examinés, les municipalités françaises étant les plus actives. Un groupe de 6 municipalités de la province de Barcelone en Espagne et de 6 municipalités de la région de Marrakech au Maroc ont remporté le prix. Enfin, 18 projets ont été examinés en 2022.
La coopération internationale décentralisée pour le développement vise à impliquer différents niveaux de gouvernements infranationaux afin d'accroître l'efficacité de la coopération au développement via un engagement plus participatif, fondé sur les besoins et ascendant. Le rôle des collectivités territoriales dans les efforts de développement international et dans la coopération décentralisée internationale a été reconnu dans un certain nombre de documents internationaux clés, actuellement plus particulièrement dans l'Agenda 2030 pour le développement durable et, dans le contexte de l'UE, dans l'Instrument de voisinage, de développement et de coopération internationale - Europe dans le monde (2021-2027). Le suivi de la coopération décentralisée a donc acquis une importance cruciale - à la fois pour contribuer à améliorer l'efficacité des programmes d'assistance, accroître la transparence, partager les leçons tirées de l'expérience et ainsi atteindre les objectifs de l'agenda pour le développement.
Dans cette étude, nous avons tout d'abord examiné les projets soumis aux PLATFORMAwards au cours de la période 2018-2022, qui constituent l'un des moyens proposés par l'OCDE pour « encourager la communication des données concernant l'aide publique au développement par les administrations infranationales. » Cela a guidé notre conception méthodologique, qui comprenait une revue de la littérature, une collecte de données fondée sur des enquêtes et une sélection d'études de cas. Nous avons constaté que la littérature sur la coopération décentralisée manque trop souvent d'analyses réalisées sur des échantillons de données plus importants. Notre enquête n'a attiré que 24 répondants, mais, compte tenu de la courte période et de la haute qualité des données reçues, nous considérons qu'il s'agit d'une leçon utile pour améliorer l'enquête et l'utiliser pour une collecte régulière de données. Enfin, les données non techniques décrites dans les études de cas montrent en profondeur la valeur et l'efficacité des projets de coopération internationale décentralisée et, ce qui est très important, le développement et la mise en œuvre de projets ont été décrits comme un processus égal et participatif et une expérience d'apprentissage mutuel, tant du côté de l'UE que du côté des pays tiers.
Cette cartographie est le résultat d’un exercice pilote et d’une étude menée par PLATFORMA et ne doit pas être considérée comme exhaustive. La carte sera mise à jour régulièrement.
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