Journée internationale des droits des femmes : parlons des droits humains !
Claudia Schöning-Kalender, Membre du groupe parlementaire SPD au Conseil municipal de Mannheim (Allemagne), Présidente de la Commission permanente pour l’égalité du CCRE, appelle les institutions européennes à « traduire les paroles en actes » en matière d’égalité entre les femmes et les hommes dans une tribune exclusive publiée par Euractiv le 8 mars 2023.
Les femmes occupent une place prépondérante dans la mythologie grecque en tant qu’héroïnes, déesses et guerrières. En réalité, dans la Grèce antique, elles n’avaient que peu de droits et étaient largement privées de voix politique et d’action. Cette incongruité n’empêche pas l’Athènes antique d’être fréquemment citée comme le berceau des sociétés démocratiques, malgré l’absence d’égalité des droits et de représentation pour la moitié de sa population. Tout au long de l’histoire, les femmes ont été considérées comme des citoyennes de seconde zone, voire privées de leur humanité.
Les temps ont changé depuis la Grèce antique, mais il serait erroné de penser que l’évolution vers le mieux est directe ou linéaire. L’Europe a connu des guerres terribles et les progrès sont souvent ponctués de revers dans la vie sociale et politique. C’est malheureusement vrai aussi pour les droits des femmes.
Au cours de l’histoire, nous constatons également qu’il n’y a pas d’évolution uniforme dans tous les États-nations. Prenons l’exemple de la Suisse : à la fin du XIXe siècle, c’était le pays où les femmes ambitieuses se rendaient pour étudier et obtenir des diplômes universitaires. Bien qu’elle ait été un havre de paix pour les femmes désireuses d’acquérir des connaissances, le droit de vote des femmes n’a été accordé en Suisse qu’en 1971. C’est près de 80 ans après la Nouvelle-Zélande, 65 ans après la Finlande et 50 ans après de nombreux États membres actuels de l’UE.
L’histoire nous aide à comprendre que l’évolution des droits des femmes dans nos pays européens ne suit pas une logique simple d’amélioration constante en termes d’acceptation et d’égalité des droits. Cela se produit dans certains domaines et pas dans d’autres. Et cela n’est pas seulement vrai si l’on considère l’histoire de la Suisse, mais aussi celle de tous les pays européens.
Dans de nombreux pays, nous avons parcouru un long et fructueux chemin en termes d’égalité des droits pour les femmes et les hommes en Europe, y compris en ce qui concerne les droits politiques. Mais ce n’est que très récemment que la disparité entre les femmes et les hommes dans la prise de décision a été considérée comme un défi pour la démocratie. À l’issue de la première conférence mondiale des Nations unies sur les femmes, qui s’est tenue à Mexico en 1975, un plan d’action adopté à l’époque affirmait que la participation accrue et égale des femmes à tous les niveaux de la prise de décision accélérerait le développement et favoriserait la paix.
Il a fallu 20 ans de plus à la communauté internationale pour affirmer que les droits des femmes faisaient partie intégrante des droits de l’homme et pour promouvoir des actions spécifiques en conséquence afin d’assurer le respect de ces droits. C’est ce qui a été fait en 1995, lors de la quatrième conférence mondiale sur les femmes qui s’est tenue à Pékin.
Deux décennies plus tard, les États membres de l’ONU se sont engagés en faveur du 5e Objectif de développement durable « Réaliser l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles », un objectif dédié parmi les 17 ODD à atteindre d’ici 2030, ainsi qu’un fil conducteur transversal qui sous-tend tous ces objectifs mondiaux.
L’égalité face aux risques
Malheureusement, les défis et les catastrophes mettent en péril l’égalité et les droits humains. Dans les situations de désastre et de guerre, comme la guerre actuelle en Ukraine ou les récents tremblements de terre dévastateurs en Syrie et en Turquie, le fardeau du maintien de la vie repose essentiellement sur les femmes. Ce sont principalement elles qui protègent et nourrissent leurs familles, au service de leurs communautés. Comment se fait-il alors qu’elles soient si facilement négligées, abandonnées et maltraitées dans de telles circonstances ?
À l’exploitation et aux violences sexuelles perpétrées contre les femmes dans les situations de crise et de conflit s’ajoute une méconnaissance stupéfiante de leurs besoins en matière d’hygiène, de procréation et de soins aux enfants. Pour relever ces défis de manière efficace et durable, il est impératif que les femmes fassent entendre leur voix et qu’elles aient une place égale à celle des hommes à la table des négociations. Ce sont elles qui connaissent les enjeux et qui peuvent tracer la voie à suivre vers la sécurité, la paix et la prospérité. Cela ne veut pas dire que le fardeau de redresser les torts du monde repose sur les épaules des femmes, mais que nous ne pouvons pas continuer comme nous l’avons fait pendant si longtemps, en négligeant l’expérience, l’expertise et le potentiel de 50 % de la population.
Ma question est la suivante : comment se fait-il que dans l’Union européenne, où neuf personnes sur dix pensent que la promotion de l’égalité des genres est importante pour garantir une société juste et démocratique (Eurobaromètre spécial 465, 2017), cela ne se traduise pas plus efficacement dans les faits ?
En tant qu’élus locaux, nous appelons à l’adoption rapide de l’actuelle proposition de directive luttant contre les violences fondées sur le genre, décisive pour les femmes européennes, mais aussi pour celles qui fuient les guerres et les catastrophes et qui fondent des refuges dans nos communes. Nous comptons également sur les députés européens pour qu’ils intègrent ces questions dans leur prochaine stratégie innovante sur l’aide humanitaire, conformément au nouveau chapitre 39 de la Charte européenne pour l’égalité des femmes et des hommes dans la vie locale du CCRE.
Comme le montrent d’innombrables articles de presse et comme nous en sommes témoins en tant que citoyens, peu importe qu’une femme soit riche ou pauvre, lesbienne ou hétérosexuelle, handicapée ou valide, jeune ou âgée, cisgenre ou transgenre, le simple fait d’être vue ou perçue comme une femme l’expose à la discrimination ou à être traitée comme une personne inférieure à l’être humain. Y mettre un terme est un devoir primordial des gouvernements européens et des organisations de la société civile qui se réfèrent à toute tradition démocratique en Europe. Athéna ou Aphrodite font peut-être partie d’un passé légendaire, mais partout dans le monde, leurs combats ne sont pas un mythe.
(Photo de Daniel Lonn sur Unsplash)