« Nouveau cadre de partenariat avec les pays tiers » : trois erreurs de base de la Commission
9 juin 2016
Cet avis a été publié sur EurActiv.com le jeudi 9 juin.
La Commission européenne a adopté le 7 juin à Strasbourg son nouveau cadre pour les partenariats de migration. PLATFORMA est profondément préoccupé par cette soi-disant nouvelle approche pour résoudre la crise migratoire actuelle. En effet, la proposition de la Commission européenne souffre de trois erreurs de base, qui soulèvent de sérieux doutes sur sa capacité à jeter les bases d’une solution durable et à long terme qui aborde les causes profondes.
La première erreur est qu’elle lie la coopération au développement à la performance des pays partenaires dans le domaine de la migration. La coopération au développement porte sur un grand nombre de questions mondiales à long terme, telles que le climat, la croissance économique inclusive, et la stabilité politique. La lier à la migration serait une courte vue dangereuse. Détourner les ressources du Fonds européen de développement vers des projets poursuivant des objectifs de sécurité, tels que la gestion et le contrôle des frontières met en péril les objectifs mondiaux et à long terme, et les transforme en préoccupations à court terme.
Deuxièmement, bien que la Commission européenne identifie correctement les causes profondes de la migration (chômage, inégalités …), elle échoue complètement à voir que de telles causes sont mieux traitées au niveau local. De nombreux pays partenaires ciblés sont des États fragiles où les villes – qui luttent contre toute attente – sont (au moins !) aussi efficaces que le niveau national pour offrir des services clés tels que l’éducation, les stratégies économiques et urbaines. La proposition de la Commission ignore de façon inquiétante que pour lutter contre les causes profondes, il est impératif d’investir dans les capacités de gouvernance locale et de promouvoir une décentralisation efficace qui confère aux autorités locales des droits et des responsabilités claires.
Malheureusement, le cadre pour les partenariats demeure un « club des Etats » exclusif. Pas le moindre soupçon de soutien aux partenariats de ville à ville ou de région à région alors que les villes et régions d’Europe ont une tradition bien établie de travail avec leurs homologues des pays partenaires, créant des emplois, renforçant la résilience et améliorant la gouvernance.
Que faire maintenant ? Eh bien, c’est relativement simple. Si l’UE est sérieuse au sujet de la lutte contre les causes profondes de la migration, le Conseil doit entendre l’appel de PLATFORMA :
- Réviser la nature du cadre pour les partenariats pour supprimer le lien entre l’aide au développement et la performance des pays partenaires en matière de migration, ainsi que l’utilisation abusive des fonds de développement pour des projets liés à la sécurité.
- Donner un rôle aux gouvernements locaux dans la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des pactes avec les pays tiers. Cela nécessite l’établissement d’une relation de travail entre les gouvernements locaux et nationaux, garantissant l’octroi d’une présence permanente de ces derniers dans la structure de gouvernance des cadres et réservant un pourcentage substantiel des fonds aux actions mises en œuvre par les gouvernements locaux.
- Aller au-delà des modèles étatiques de coopération traditionnels vers un modèle qui comprend un large éventail d’acteurs intéressés à promouvoir le développement des pays partenaires. L’intégration de la coopération de ville à ville comme une modalité peut aider à canaliser l’immense richesse d’expertise des villes et des régions européennes et peut également contribuer à la création d’expériences positives sur la coopération entre les gouvernements locaux et les organisations de la société civile.
Ces mesures ne garantissent pas le succès, mais les ignorer est une garantie à 100% que les objectifs déclarés ne seront pas atteints.