Tribune | Coronavirus : « Nous, élus locaux de France, sommes particulièrement inquiets pour le continent africain »

24 avril 2020

Cette tribune signée par des élus locaux et régionaux membres de Cités Unies France a été publiée  dans Le Monde/Le Monde Afrique le 23 avril 2020.

Des édiles français appellent à accompagner leurs homologues africains dans le renforcement des solidarités durant la crise sanitaire et aussi après.

Aucun pays, aucun territoire, ne sont aujourd’hui épargnés par la pandémie du nouveau coronavirus. Au-delà des drames humains, cette crise sanitaire mondiale a et va avoir des conséquences sociales et économiques dont on ne mesure pas encore aujourd’hui l’ampleur. Le temps des bilans viendra qui permettra de tirer les enseignements quant à nos modes de vie, nos choix de développement économiques et sociaux, notre rapport à la préservation des ressources.

Mais la priorité est aujourd’hui de stopper la propagation et de sauver les populations. Chaque Etat prend les mesures nationales génériques qu’il estime nécessaires pour stopper la propagation du virus et laisser le temps de soigner celles et ceux qui sont atteints par la maladie du Covid-19. Ces mesures nationales sont à peu près les mêmes dans chaque pays : confinement et gestes barrières.

Si la sécurité et la santé des habitants d’un pays constituent bien sûr la préoccupation première des Etats, que se passera-t-il quand, une fois les pays développés « guéris », l’épidémie pourrait continuer à décimer les populations des pays les plus vulnérables, notamment en Afrique ? Une approche concertée et solidaire entre les Etats, articulant l’action locale et l’action internationale, est indispensable pour être efficace. Elle est en cours. Le président de la République a ouvert la voie en se prononçant pour l’annulation de la dette des pays africains et un moratoire a été acté en un temps record par les pays du G7 et du G20.

Action de proximité

A l’échelle locale – les élus le savent bien –, l’efficacité de la gestion de crise dépend aussi beaucoup de la capacité des autorités locales à prendre en main l’action de proximité : faire respecter le confinement ; éduquer la population aux gestes barrières efficaces ; mettre en place des systèmes d’entraide pour subvenir aux besoins des personnes les plus vulnérables ; être attentif aux conséquences du confinement sur les violences intrafamiliales et les dégradations psychiques ; assurer la continuité des services publics de salubrité et de vie quotidienne ; détecter les cas de contamination et les isoler le plus rapidement possible.

La solidarité au sein des territoires français est remarquable, indispensable. Mais elle n’a pas de sens si elle se limite aux frontières de notre pays ou même à celles de l’Union européenne. Elle doit aussi être internationale et s’exercer pour agir ensemble contre le Covid-19. Agir localement tout en garantissant une action internationale, c’est la voie pour que cette lutte soit efficace et, surtout, pour éviter la propagation du virus dans des zones pour le moment encore peu touchées.

Dans cette lutte mondiale, nous, élus locaux, sommes particulièrement inquiets pour le continent africain qui doit faire face à plusieurs défis dans cette lutte pour limiter la pandémie : les systèmes de santé, sans sous-estimer l’expérience et la résilience africaines face aux épidémies, sont le plus souvent trop fragiles ; les concentrations de population sont extrêmement fortes en milieu urbain, mais aussi dans les lieux où sont regroupées les personnes déplacées en raison de crises humanitaires, conflits armés ou attaques terroristes ; l’absence de tests de détection est patente ; la croyance, non vérifiée, que l’Afrique pourrait être protégée grâce à son climat chaud et à sa jeunesse fait baisser la garde et la vigilance.

Tous, Etats, élus locaux, organisations non gouvernementales (ONG), associations, entreprises, chercheurs, doivent agir ensemble pour soutenir l’action des Etats et des autorités locales africaines afin de juguler la propagation de l’épidémie et limiter les conséquences sur l’économie, l’alimentation, la santé.

Apprentissage mutuel

Ainsi nous, membres de Cités Unies France, qui sommes élus de collectivités territoriales françaises – maires, présidentes et présidents de conseils départementaux, de conseils régionaux, d’intercommunalités, responsables d’associations nationales, élus locaux –, toutes et tous engagés, souvent de longue date, dans des projets de coopérations avec nos partenaires africains qui sont nos amis, avons décidé de nous mobiliser sans attendre. Nous avons ainsi lancé un fonds de solidarité, alimenté par les collectivités françaises, destiné à soutenir les collectivités territoriales africaines dans leurs efforts quotidiens pour venir en appui à la population avant, pendant, mais aussi après la crise.

Nous nous engageons par ailleurs à accompagner les autorités locales pour la mise en place, dans la proximité, d’initiatives de résilience, de relance des économies locales, d’apprentissage mutuel : nombre de pays africains, déjà confrontés par le passé à de graves crises sanitaires, dont Ebola notamment, ont pris des initiatives innovantes qui peuvent nous inspirer. Il s’agira aussi de construire ensemble de futurs partenariats, autour de projets de transition économique, sociale, écologique et démocratique.

Nous demandons par ailleurs la création d’un fonds global pour les collectivités africaines, porté et alimenté par l’Union européenne, ainsi que par les Etats, les grands bailleurs de fonds pour le développement et le Réseau mondial des collectivités – Cités et gouvernements locaux unis.

Parmi les signataires se trouvent : Roland Ries, maire de Strasbourg et Président de Cités Unies France, Jocelyne Bougeard, adjointe à la maire de Rennes, Anne Hidalgo, maire de Paris, Marie-Hélène Nedelec, vice-présidente de Nantes Métropole, Agnès Rampal, conseillère régionale au conseil régional Sud-Provence-Alpes-Côte-d’azur, Jérôme Tebaldi, adjoint au maire de Tours, Jean-Louis Testud, adjoint au maire de Suresnes ou encore André Viola, président du département de l’Aude.

Lisez la tribune sur Le Monde/Le Monde Afrique.

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