Aujourd’hui plus que jamais, les collectivités territoriales doivent faire entendre leur voix
Cet article écrit par Emilia Saiz, Secrétaire générale de CGLU, a été initialement publié sur Planeta Futuro, EL PAIS.
Dans un contexte où les dirigeants nationaux s’arment pour protéger la souveraineté et l’accès aux ressources, le municipalisme peut nous aider à progresser vers un développement universel, inclusif et durable.
Notre monde se trouve à un moment que l’on pourrait qualifier de fondateur. Le nombre de crises qui s’accumulent, leur nature universelle et leur interconnexion nous placent devant un scénario sans précédent. La portée de certains de ces défis est palpable dans notre vie quotidienne, tandis que l’impact d’autres est plus difficile à mesurer, voire à identifier.
Nous voyons les rêves brisés, les vies perdues dans les conflits armés, les bateaux qui s’échouent sur les côtes, la persécution du peuple Tigré en Éthiopie, les morts, les destructions et les déplacements dans les villes d’Ukraine. Les conséquences des conflits se répercutent aux échelles mondiale et locale, affectant des besoins quotidiens tels que l’alimentation et l’énergie.
Ces défis semblent plus visibles aujourd’hui, mais ils sont vécus depuis longtemps par les personnes les plus vulnérables de nos communautés. Et ils trouvent leur origine dans des urgences systémiques telles que le changement climatique ou la pandémie de COVID-19 et la crise économique qui en résulte. Il s’agit d’un signal d’alarme important qui nous incite tous à transformer nos systèmes et nos modes de vie.
Les collectivités territoriales le savent bien. Le mondial a un impact sur le local et le local détermine le mondial. C’est au moment où nous nous sentons le plus vulnérables et sans protection que les capacités, les valeurs et les limites de nos communautés sont mises à l’épreuve. Et c’est dans ces circonstances que les collectivités territoriales ont été, et continuent d’être, à la pointe des efforts pour avancer ensemble, en assurant la fourniture de services publics, en garantissant les droits et en favorisant des modes de vie inclusifs, solidaires, justes et égalitaires.
C’est dans des moments comme celui-ci que nous devons réévaluer nos priorités et faire en sorte que ce que nous avons vécu serve à transformer la manière dont nous interagissons les uns avec les autres, avec notre environnement et avec nos institutions.
Un pacte pour les personnes, la planète et le gouvernement
L’organisation mondiale Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU), héritière du mouvement municipal international né il y a plus de 100 ans, est convaincue que ces transformations ne seront possibles que si collectivités territoriales jouent un rôle fondamental en tant qu’acteurs politiques, avec la responsabilité qui incombe au niveau de gouvernement le plus proche des populations, au-delà des compétences ou des ressources dont elles disposent actuellement.
Pour réaliser ces transformations, CGLU développe un Pacte pour l’avenir des personnes, de la planète et du gouvernement. Il rassemble les principes, les valeurs et les aspirations partagées de nos communautés pour renouveler le contrat social des villes, des communes et des territoires..
Le Pacte se veut être un document digne de ce moment fondateur. Il vise à relever les défis auxquels nous faisons face, à assumer les responsabilités nécessaires et à s’appuyer sur les connaissances collectives que nous avons pu acquérir. Il est pensé comme le point de départ vers un avenir plus durable, avec l’égalité des genres et la justice sociale comme des piliers indispensables pour toute communauté créative, résiliente, autonome et engagée. Pour ce faire, il place les personnes au centre, prend largement en compte les besoins des générations actuelles et étend les droits des générations futures. Il y parvient en garantissant les services publics et les biens communs, en développant une relation harmonieuse avec la nature et en renouvelant les relations entre les sphères de gouvernement pour renforcer la confiance et la représentativité des populations.
Tout au long de l’histoire, nos territoires ont prospéré grâce à l’ingéniosité de nos communautés locales. Le Pacte pour l’avenir vise à préserver et à favoriser des sociétés de proximité, d’empathie et de solidarité, qui renforcent les capacités de leurs populations à travers la culture et le droit à la ville. Il ambitionne d’encourager nos territoires à se doter d’outils pour mettre fin à la crise du logement, transformer nos habitudes de production et de consommation, et créer des ponts entre les citoyens et les institutions sur la base d’une offre de services innovante, durable et inclusive. Pour créer, en somme, des espaces où peuvent s’épanouir les idées qui conduisent aux transformations dont nous avons besoin.
D’avril à octobre, les maires, gouverneurs et gouverneures parmi nos membres élisent leurs pairs pour les représenter au Conseil mondial de notre organisation. Il y a 341 sièges répartis sur les cinq continents. Il s’agit d’un exercice démocratique et de multilatéralisme local sans précédent, qui a débuté en mai lors d’Africités, le plus grand rassemblement des collectivités territoriales du continent africain, où l’énergie vibrante du mouvement municipal s’est fait entendre avec fracas, renforçant le pouvoir des voix issues de nos territoires et la diversité.
L’exercice démocratique réalisé à Kisumu permet d’apporter les 45 sièges correspondant à l’Afrique au Conseil mondial de CGLU, et sera répliqué dans les autres régions du monde. Ces élus présenteront des motions afin de promouvoir des actions concrètes pour porter le Pacte dans les rues et les budgets de nos territoires. Les résultats seront adoptés le 14 octobre à Daejeon, lors du sommet le plus représentatif des collectivités territoriales et l’un des plus grands exercices démocratiques de la planète. La feuille de route du mouvement municipaliste sera ainsi déterminée, et définira dans une large mesure la contribution locale et territoriale au Sommet des Nations Unies sur le futur.
Dans un contexte où les gouvernements nationaux s’arment pour protéger leur souveraineté et leur accès aux ressources, les collectivités territoriales sont les meilleurs alliées pour définir un programme de soin (care) qui nous aidera à reconstruire les bases du système multilatéral vers un développement universel, inclusif et durable.
Emilia Saiz , secrétaire générale de CGLU.